Les politiques sociales sont des politiques coûteuses que les autorités et la population tendent à voir comme des frais conséquents pour la société, même si nécessaires. La politique du handicap peut engendrer des coûts considérables dans les pays où elle est la plus aboutie comme les pays nordiques. En effet, si ces pays consacrent une part plus importante de leur budget en politiques sociales de manière générale qu'en France, leur politique de l'insertion et de pleine participation des personnes en situation de handicap est efficace et plus aboutie depuis plusieurs années. L'argument financier des autorités qui mettent en exergue les coûts trop élevés d'une politique d'insertion plus complète pour les personnes en situation de handicap en France ne résiste pas au regard des perspectives d'ouverture économique que permet la participation des personnes en situation de handicap dans la vie de la communauté.
En effet, si les investissements pour le handicap sont en hausse en France avec 38,6 milliards d'euros estimés pour 2009 (soit 6 milliards de plus qu'en 2005)[1], la part du budget consacrée à ces politiques reste inférieure à celles que l'on connait dans les pays nordiques et répartis de façon très différente. Ces coûts plus élevés sont néanmoins compensés par la participation à la vie économique des personnes en situation de handicap. En étant intégrées davantage dans la vie sociale, les personnes en situation de handicap deviennent consommatrices, et donc participent à la relance. De même, les politiques d'intégration leur permettent d'avoir une vie de citoyen ordinaire qui implique par exemple d'avoir un emploi, ou encore de payer des impôts. L'autonomie acquise, rendue possible par l'assistance personnelle notamment, est un facteur de participation accrue aux activités de la Cité : emploi, tourisme, activités culturelles, loisirs... qui en plus de permettre aux personnes en situation de handicap d'être pleinement considérées comme des citoyens, leur permet de s'investir davantage dans la vie collective et dans l'espace public.
Si l'on prend l'exemple de la politique d'assistance personnelle en vigueur en Suède[2] depuis 1994 et que l'on tente une comparaison avec la situation française, on peut voir que :
En projetant ce système suédois à la situation française (chiffres indicatifs) et en considérant que les populations suédoise et française ont le même taux de personnes en situation de handicap, on pourrait obtenir l'estimation suivante :
Évaluation de l'offre et de la demande engendrée par l'assistance personnelle en Suède |
Estimation des répercussions possibles en France
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Nombre d'habitants : 9 millions |
Nombre d'habitants : 64 millions |
Nombre de bénéficiaires de l'assistance personnelle : 18 000 |
Nombre potentiel de bénéficiaires :128 000 |
Nombre d'assistants employés : 60 000 |
Nombre potentiels d'assistants : 427 000 |
Ce tableau nous montre qu'en proposant l'assistance personnelle pour les personnes en situation de handicap, on pourrait créer plus de 420 000 emplois en France -ce qui n'est pas négligeable en temps de crise- en plus de permettre à ces personnes de décider de leur mode de vie plutôt que de subir les contraintes en terme d'horaires ou de personnel imposé par les organismes d'aides à domicile, et de vivre chez elles plutôt que dans des résidences groupées ou encore des institutions où l'individu n'est pas considéré. Comme il n'y a pas d'exigence en terme d'études suivies pour être assistant, mais une formation adaptée à chaque employeur, ce métier est accessible en peu de temps (quelques semaines de formation) et permet une flexibilité appréciable. Ils sont employés par contrats, comme dans toutes les autres branches, avec les cotisations sociales impliquées. Notons qu'il ne s'agit pas d'une perte d'emploi pour les personnes travaillant en institutions puisque l'on sait que d'ici 2015, le nombre de personnes âgées aura doublé dans certaines régions, donc que les besoins en professionnelles de la dépendance ne vont faire qu'augmenter. De même, les emplois créés sont par nature non délocalisables et permettent une grande flexibilité. Des programmes de formation des intervenants à domicile pour les personnes dépendantes sont d'ailleurs mis en œuvre dans le cadre du « Plan Létard des Métiers au service des personnes handicapées et personnes âgées dépendantes : un plan pour plus de formation et plus de qualification »[3] lancé en Février 2008 dans certaines régions d'expérimentation, preuves de la nécessité de valoriser l'intervention à domicile et d'en améliorer la qualité. Ce métier constitue donc un pendant au droit à l'assistance personnelle : plus il y aura de bénéficiaires, plus il y aura de recrutements en terme d'assistants, ce qui permet de maintenir une dynamique économique.
Par ailleurs, l'assistance personnelle ne permet pas uniquement d'ouvrir des perspectives d'emplois en tant qu'assistants puisque les établissements prestataires d'assistants (employeurs légaux), qu'ils soient privés à but lucratif ou coopératifs à but non-lucratif, sont des concurrents directs et sont régis par les lois d'un marché compétitif. Ils engagent un grand nombre d'emplois en leur sein (personnel administratif, gestionnaires, comptables, avocats...). On en compte plus de 450 en Suède aujourd'hui.
Les politiques d'insertion des personnes en situation de handicap, bien que coûteuses, sont donc à considérer comme un investissement pour intégrer les personnes en situation de handicap dans une dynamique collective. Il s'agit bien d'un cercle vertueux : elles acquièrent une autonomie, peuvent être considérées comme des gens ordinaires, ce qui leur permet de participer aux mécanismes de l'économie globale.
[1] Selon le « Rapport au Parlement sur la mise en œuvre de la politique du handicap 4 ans après le vote de la loi du 11 Février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » mars 2009.
[2] Pour plus d'informations, consulter « La politique du handicap en Suède en matière d'assistance personnelle » (Jaillet C.) 2009 www.independentliving.org (site internet traduit en anglais)
[3] Pour plus d'informations : ministère du travail et de la solidarité